La vie de couple selon Odile Cornuz

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Portrait d'Odile Cornuz
©Joachim Sommer

La dramaturge neuchâteloise Odile Cornuz signe avec Fusil un premier roman très réussi sur la vie d’un couple, de ses débuts amoureux à sa séparation sur fond de menaces et de violence.

Chabadabada. L’histoire commence toujours ainsi: on marche main dans la main et c’est doux, le chien et l’enfant courent autour de nous dans les prés, on se dit qu’on est bien ensemble, et l’on prononce, ou l’on entend, ces mots qui disent: «Veux-tu m’épouser?» On s’installe ensemble, on joue aux adultes, on achète des meubles, on visite des expositions ensemble, on cherche un bijou à s’offrir réciproquement qui ne soit pas une banale bague telle qu’en portent nos parents. Et puis peu à peu, au fil du temps, des jours et des nuits passés ensemble, quelque chose se déglingue. Une fissure dans cette assurance commune apparente apparaît. On ne sait pas dire à quel instant précis la chute s’amorce. Peut-être est-ce au moment d’échanger leurs vœux qui, plus tard, leur évoqueront l’esclavage, la privation de liberté. Peut-être est-ce au moment où l’homme reproche à sa femme une vie professionnelle qu’il juge inutile. Peut-être est-ce ce premier soir où ils s’endorment dos à dos, sans se toucher, et qui en annonce d’autres.

La Neuchâteloise Odile Cornuz écrit pour le théâtre et la radio depuis toujours. Pour son premier roman, elle se confronte à un thème à la fois universel et intime, concernant et personnel: le couple, sa magie, sa force et puis, son piège lorsque le désamour s’installe, que l’emprise, le mépris, la violence apparaissent. Une vingtaine d’objets, esquissés avec finesse en début de chaque chapitre bref par l’auteure, déroule la trame narrative de ce premier roman très réussi: un bocal de confiture, un tas de sable, un piège à souris, des lunettes de soleil, un catalogue d’exposition, une trottinette, un béret, un balai. En guise d’ultime objet, un fusil: celui qui donne son titre au livre, celui avec lequel l’homme menace de tuer le chien, et lui après, si sa femme le quitte. Un fusil comme une menace qui plane à la fois sur la relation de couple et sur chaque page du livre. Un fusil, que dix ans après leur séparation, il réclame à son ex-femme par téléphone. Pour dire cette lente glissade de l’amour à la haine, cette décomposition du couple, le poison des non-dits, Odile Cornuz utilise la voix de «la petite», l’enfant d’une précédente union, autant que celle de la femme. L’une comme l’autre subissent dans leurs tripes, leur âme et leur chair l’ambiance délétère du foyer. A la fois concret, précis et poétique, original et poignant, son récit sonne terriblement juste.

Source:
Isabelle Falconnier, Magazine LivreSuisse n°4