Marc Voltenauer, ambassadeur des Alpes vaudoises

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Portrait de Marc Voltenauer et de Benjamin Amiguet
©Benvolt

Son best-seller Le Dragon du Muveran, puis Qui a tué Heidi? et Les protégés de Sainte-Kinga ont rendu célèbre la région de son village de Gryon. Dans la lancée, l’écrivain publie avec son compagnon Benjamin Amiguet 111 lieux des Alpes vaudoises à ne pas manquer.

Pourquoi, en tant qu’auteur de polar, avoir choisi de situer l’action de votre premier livre, Le Dragon du Muveran, dans un lieu familier, soit votre propre village, puis l’action de la plupart de vos livres suivants dans la même région?
Après le voyage autour du monde que nous avons fait avec mon compagnon Benjamin en 2011-2012, nous sommes restés quelques mois à Gryon, lieu d’origine de Benjamin. L’idée s’est tout naturellement imposée à moi. Gryon était le parfait décor d’un polar: l’atmosphère singulière d’un village pittoresque, le savoir-vivre montagnard, la vie villageoise, le découpage impressionnant des massifs alentour, des hivers rigoureux. Une ambiance de huis clos où l’inspecteur a tout le monde sous la main. Ou presque… Le village est isolé, mais pas non plus hermétique. Ce qui laisse le jeu ouvert et offre des possibilités d’amener des éléments extérieurs. Gryon m’est donc apparu comme un cadre parfait pour accueillir un meurtrier de sang-froid à l’image des polars nordiques qui ont contribué à faire germer en moi cette idée de mettre en scène les lieux comme un véritable protagoniste de l’histoire.

 

Pensez-vous avoir changé le regard de vos lecteurs sur ces lieux?
J’ai été très surpris, après la sortie du Dragon du Muveran, de voir affluer les lecteurs à Gryon. Le livre d’or du temple était rempli de témoignage de lecteurs venus sur les lieux. Puis l’office du tourisme m’a contacté pour organiser des balades. À l’instar des promenades à Stockholm sur les traces de Millenium ou celles de Fjällbacka sur les lieux du crime de Camilla Läckberg, les balades «Sur les traces du dragon» ont connu un joli succès. J’ai reçu de nombreux témoignages de lecteurs, venus de Suisse et même de l’étranger, qui ont découvert sous un jour nouveau le village de Gryon. J’ai même eu plusieurs témoignages de lecteurs qui ont choisi d’acheter un chalet à Gryon après avoir lu le livre. Il faut croire que malgré la noirceur de mes histoires, l’image que je donne des lieux suscite cette envie de venir.

 

D’une manière générale, à quoi attribuez-vous le succès des polars dits «locaux» en Suisse romande?
Le polar romand n’est pas nouveau. Pour ne citer qu’un exemple, ce serait celui de Corinne Jaquet qui écrit depuis longtemps des polars qui se passent à Genève. Alors qu’avant, on s’intéressait aux romans policiers anglo-saxons et aux polars nordiques notamment, l’intérêt pour les polars romands a pris de l’ampleur grâce à l’émergence d’auteurs comme Marie-Christine Horn, Sébastien Meier ou Nicolas Feuz. Mais c’est aussi le regard et l’intérêt des lecteurs et de la presse qui ont changé. On aime lire des histoires dont l’intrigue se passe «chez nous». Je n’aime pas ce terme de «polar local» qui traîne une consonance négative, qui serait que le polar local n’intéresse que localement. Un polar, de par sa dimension cathartique, même s’il est «local» peut avoir une dimension universelle. C’est justement parce qu’il est enraciné localement et qu’il dépeint un environnement social singulier qu’il acquiert une dimension qui dépasse les frontières.

 

L’ouvrage «111 lieux des Alpes vaudoises à ne pas manquer» est-il le prolongement de votre démarche de romancier?
Ce qui nous a intéressé dans cette collection des «111 lieux» de l’éditeur allemand Emons (qui a édité Le Dragon du Muveran en allemand et prépare la suite pour cet automne), c’est que pour chacun des lieux, il ne s’agit pas juste de fournir des informations touristiques, mais de «raconter» le lieu. C’est cette dimension littéraire qui nous a motivés. Un challenge pour moi! Au lieu de raconter une histoire sur plus de 500 pages, il a fallu en raconter 111 différentes sur 1 page pour chaque lieu…

 

Benjamin Amiguet, vous avez travaillé à la promotion touristique du canton de Vaud puis à la Fédération suisse du tourisme. En quoi un auteur comme Marc a-t-il contribué à promouvoir la région?
C’est une forme de promotion intéressante, car elle est différente des campagnes traditionnelles. Il faut savoir éveiller l’intérêt et se différencier des autres pour être remarqué. Pour Gryon et ses acteurs touristiques, les romans de Marc sont une aubaine. Tout d’abord, depuis la sortie du Dragon du Muveran, Gryon a été fréquemment cité dans les médias et ce dans un contexte plutôt inhabituel pour le village - le dernier et plus important lien entre Gryon et la littérature datant de l’époque où Juste Olivier, décédé en 1876, y résidait. Avec Marc, on ne situait plus uniquement Gryon sur la carte comme paradis de la randonnée et station de ski familiale. À l’heure où l’on cherche à promouvoir un tourisme doux, mélanger des domaines, qui de prime abord semblent relativement éloignés, peut donner naissance à de belles réussites. Ainsi, à Gryon, l’office du tourisme continue de proposer des activités en lien avec les enquêtes de l’inspecteur Auer (balades littéraires, enquête virtuelle en réalité augmentée, dédicaces, etc.). Les visiteurs veulent vivre des expériences uniques, et la littérature, source infinie d’inspiration, l’est aussi pour les voyages ou les excursions.

 

Comment avez-vous choisi ces 111 lieux des Alpes vaudoises à ne pas manquer?
La collection «111 lieux» ne se focalise pas sur les attractions touristiques classiques, mais s’intéresse aux lieux méconnus, aux perles cachées. Nous avons établi une liste des lieux que nous connaissions et qui pouvaient avoir leur place dans ce guide. À ce stade, nous avions répertorié une centaine de lieux potentiels, mais au fur et à mesure, cette liste a évolué au gré des rencontres et des découvertes. Nous avons voulu montrer les Alpes vaudoises dans toute leur diversité. Ainsi, on trouve dans le guide des lieux naturels, historiques, culturels ou encore à vocation sociale. Ce livre représente deux années de travail intensif où nous avons profité de nos temps libres pour sillonner la région et rencontrer des personnes qui pouvaient nous apporter un éclairage particulier sur ces lieux ou des spécialistes dans des domaines variés.

 

Quel est votre lieu préféré parmi ces 111?
Benjamin
: J’aime tout particulièrement les Lapiaz de Famelon situés en dessus de Leysin. Le site est en lui-même est impressionnant et les sentiers pour y accéder permettent d’observer une belle variété de milieux naturels. Le panorama à 360 degrés sur les Alpes vaudoises y est inoubliable, tout comme les sorties photo qui se terminent dans le brouillard.
Marc: «Les vestiges de Vuargny», dans la vallée des Ormonts! C’est un lieu mystérieux, mystique caché au fond de la vallée, au bord de la rivière la Grande Eau. Il n’y a plus que d’anciennes ruines recouvertes par la végétation: terre, mousses, arbres, racines. Si on ne sait pas à quel usage était dévolu ce lieu, on peut laisser son imagination s’emballer. Un ancien monastère du Moyen Âge? Un asile de fou de la fin du XIXe? Une prison? La réalité est bien moins romanesque, mais le lieu n’en demeure pas moins hors du temps et hors du commun.

Source:
Propos recueillis par Isabelle Falconnier, Magazine LivreSuisse n°3