Marie Caffari a dirigé durant 17 ans l’Institut littéraire suisse qu’elle a quitté le 22 août après l’avoir porté haut et à bout de bras.
Mai 2023, j’ai croisé Marie Caffari le soir de la cérémonie de remise des prix fédéraux à Soleure. On est en plein dans la lourde période de fin d’année académique, son énergie m’impressionne toujours autant. Et voilà que l’audacieuse a quitté le 22 août le poste qu’elle a occupé avec autant de grâce que d’engagement depuis 17 ans: la direction de l’Institut littéraire suisse. Je me souviens qu’à la création de l’institut, des voix sceptiques s’étaient élevées en Suisse romande. L’écriture littéraire ne s’apprend pas, chuchotaient-elles, l’écrivain ne doit compter que sur son inspiration, un travail entre lui et lui. En Suisse alémanique, on était plus ouvert, acquis au creative writing et à ses bienfaits. Certes, l’inspiration appartient à chacun, mais trouver le lien entre l’écriture et l’imaginaire, c’est un travail et il s’apprend. S’apprend aussi savoir écouter la lecture que font de son texte les enseignants et les étudiants. Aujourd’hui, quand je reçois un manuscrit d’un étudiant qui sort de Bienne, je sais que l’échange sera facile.
Marie Caffari, c’est un regard clair, une pensée limpide, un équilibre de bienveillance et d’exigence envers ses étudiants, avec lesquels elle aura su magistralement trouver la bonne distance: elle connaît tout d’eux ou presque, et reste pourtant leur lectrice professionnelle et leur directrice. J’aimais par-dessus tout, au moment des quelques jurys auxquels elle m’a invitée, quand elle prenait la parole pour faire le premier commentaire. Respectueuse, elle trouvait comment pointer les faiblesses sans juger; et évoquer les qualités de manière inspirante afin de vitaliser l’élève, lui donner envie de reprendre son texte pour faire mieux. Elle prenait tout son temps, l’étudiant en avait pour son argent et nous aussi, autour de la table. C’était à chaque fois une volée d’informations qu’elle nous donnait l’air de rien, à nous membres du jury. Mes habitudes trop sévères en prenaient pour leur grade. Sans le dire pour de bon, c’était comme si elle me suggérait, te voilà avertie, Caroline, vas-y doucement, ce sont des élèves, il y a une sacrée trajectoire pour chacun d’entre eux. Mon regard se portait alors sur l’étudiant, qui buvait ses paroles.
Marie Caffari a porté haut et à bout de bras l’Institut littéraire suisse de Bienne. Avec les fondateurs, elle ouvre l’institut, engage des enseignants (des auteurs), une petite équipe administrative, chacun choie trois volées d’étudiants. En plus de l’enseignement et de la gestion de l’ensemble, elle organise jusqu’au moindre détail des soirées de lectures, des colloques, invite en classe des professionnels du livre, avec une attention et un à-propos remarquables. La voilà donc qui tourne la page. Au détour d’une phrase, elle rit en avouant avoir prévu un mois pour ranger son bureau. Mais non, c’est une blague corrige-t-elle: «Ce dernier mois ce sera pour écrire… un long rapport, des certificats de travail pour la vingtaine de collègues de l’institut; j’ai prévu un seul jour pour ranger, ça suffira amplement, je n’accumule guère.»