
La Suisse dispose d’un immense atout sur d’autres pays: son plurilinguisme, qui est censé offrir une large diversité linguistique, culturelle et sociale. Les quatre langues nationales devraient être une opportunité pour dialoguer, échanger, collaborer et apporter à nos concitoyens et aux pays qui nous entourent une vision différente du monde. Pourtant, en Suisse, cette diversité se transforme en fossé, qui conduit ou risque de conduire à des incompréhensions entre les différentes parties du pays.
Les livres sont un vecteur important de la diffusion de la culture, des savoirs, des idées, du rêve et sont nécessaires au dialogue entre les cultures. Or, pour ce qui est de la traduction de livres, la Suisse ne soutient que la traduction d’ouvrages littéraires. Jusqu’à récemment, Pro Helvetia soutenait encore l’édition et la traduction d’essais (nonfiction), avant de changer son fusil d’épaule. Un abandon scandaleux.
Il est pourtant primordial que les idées et les spécificités culturelles traversent les frontières des langues. Leur circulation et leur confrontation doivent permettre le dialogue et éviter les affrontements. Afin que les ouvrages d’essai puissent traverser les frontières linguistiques, il est nécessaire qu’un soutien aux traductions soit mis sur pied au niveau national. C’est d’autant plus essentiel que certaines langues, du fait d’une population limitée, sont prétéritées.
Pourquoi un soutien financier aux traductions est-il indispensable? Les éditeurs ne peuvent-ils pas prendre un risque commercial? Ceux qui publient des ouvrages généralistes, touchant des lectorats très larges, en dehors des frontières de la Suisse, en ont les moyens, mais ils sont peu nombreux. Par contre, les éditeurs qui traduisent des livres en lien avec la Suisse s’adressent à un public spécifiquement suisse, donc à un lectorat limité: un soutien financier est primordial pour ces maisons d’édition afin que la traduction d’essais de politique suisse et de faits de société, d’ouvrages d’histoire générale de la Suisse, de livres en lien avec la culture et le patrimoine de notre pays puissent se faire dans les meilleures conditions. Malheureusement, rien d’officiel n’existe dans ce sens aujourd’hui.
En France, par exemple, les traductions vers le français comme du français vers d’autres langues sont soutenues, notamment par le Centre national du livre. Il existe aussi en Italie un programme de soutien aux éditeurs pour les traductions. En revanche dans notre pays plurilingue, aucun soutien officiel et national n’existe pour la traduction de livres de non-fiction.
Il est important que les Chambres fédérales prennent ce problème en compte et qu’une fondation nationale soit créée et financée annuellement par la Confédération, sur le modèle de Pro Helvetia.
J’appelle donc les associations professionnelles du monde de l’édition, les politiciennes et politiciens et le public à s’engager dans ce sens, afin que la culture puisse voyager d’une région linguistique à une autre.