Trois questions à art&fiction

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L'équipe d'art&fiction
©Odile Meylan

Un Prix suisse de littérature en 2017 à Laurence Boissier, le Best Book of Design in the World 2020 attribué à L’Almanach ECART, art&fiction collectionne les distinctions et a bâti en 20 ans, avec talent et humour, un catalogue riche de quelque 350 titres. Retour sur une maison pas comme les autres avec trois questions posées à ses deux cofondateurs, Stéphane Fretz et Christian Pellet.

20 ans plus tard, art&fiction ajoute régulièrement des fragments à son kaléidoscope éditorial. A l’âge de la maturité, vous programmez 20 événements festifs, dans 13 lieux et avec 90 artistes qui interprètent quelques livres que vous avez publiés. On a l’impression qu’art&fiction est une planète à elle toute seule. Qui sont ses habitants?  

CP: art&fiction est une petite maison d’édition et tient à ses dimensions modestes, adaptées à un marché de niche! C’est cette association des arts visuels et de la littérature qui donne une  impression «planétaire», voire constellaire. L’important pour ses habitants est une coexistence harmonieuse. Les nôtres sont d’abord artistes que l’écriture saisit, écrivains hantés par l’image, graphistes frondeurs ou designers en éditologie, photograveurs émérites et imprimeurs scrupuleux, mais aussi lecteurs pleins d’appétits, collectionneurs à la légende, discrète ou simples chalands désireux de se distraire…

SF: Il y a aussi des habitants invisibles, des fantômes sympathiques et des correspondants «at large» tels que Bertram Rothe aux archives, Georges Perec qui s’occupe de la section jeux, Stéphane Mallarmé pour les rituels étranges, Alice Neel aux portraits de groupe, Aby Warburg à la documentation et Sheila E. aux percussions.
 
 

Une nouvelle génération plus tard, quel regard portez-vous sur le changement d’époque que ce soit en termes artistique et éditorial? 

SF: Les générations ne se succèdent pas de manière linéaire. Mais on remarque que si nous avons construit art&fiction sur la queue de comète de l’édition d’art bibliophile et des revues littéraires, les formes qui naissent aujourd’hui sont davantage issues du fanzine, du tract, de la documentation et de l’activisme. Nous participons à ces évolutions en hébergeant des projets comme «Flynnzine», «Une table à soi» ou avec nos cartes postales et posters qui accompagnent certaines parutions ou sont publiées à l’occasion de salons du livres et autres marchés de la poésie. Formes plus rapides, souvent distribuées gratuitement ou presque, elles sont conçues par des artistes comme Fabienne Radi, Alessandro Mercuri ou Barbara Cardinale.
 
 

Et dans 20 ans, dans un monde fantasmé, à quoi ressemblerait art&fiction?

CP: Notre mentor Bertram Rothe nous aura quitté depuis quelques années. Nous nous sentirons un peu orphelins, mais nous nous consolerons à l’idée que nos amis libraires auront repris des couleurs (grâce à l’abandon définitif du système des offices vers 2030), que nos auteurs et autrices seront enfin dignement rémunérés (par la fameuse Charte dite de Morges), que les tarifs postaux pour l’envoi des livres seront enfin ajustés, que les politiques auront enfin compris le rôle culturel des éditeurs, que tous les Salons se tiendront dans des lieux chaleureux et conviviaux, que les lecteurs du monde entier auront misé sur la diversité éditoriale. art&fiction, version petite maison dans la prairie… Enfin tout ça, ce sera avant le grand Autodafé de 2042!…