Trois questions à Catherine Kohler

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photo C. Kohler

Catherine Kohler gère la librairie Bostryche, à Bienne. Cette enseigne bilingue, pourvue d’un café, a ouvert en 2018. Elle fait la part belle à la littérature francophone et germanophone, aux beaux albums jeunesse, aux livres d’art, aux essais écologistes et féministes. Catherine Kohler est aussi membre du comité d’organisation d’edICIon, «petite foire biennoise du livre», qui aura lieu les 14 et 15 décembre 2024 à la Maison Farel.

La librairie Bostryche travaille avec deux langues. Comment avez-vous concrétisé ce choix? 

Le bilinguisme n’est pas tant un choix qu’une évidence. À Bienne il fait partie intégrante du quotidien. Notre clientèle cherche des conseils et des découvertes dans l’une comme dans l’autre langue, pour un cadeau à la belle-sœur francophone ou un anniversaire d’enfant qui préfère lire en allemand. Pour les personnes qui naviguent entre les deux langues avec aisance, c’est simplement pour avoir le plaisir de lire les œuvres dans leur langue originale. Cette fluidité linguistique est souvent à l’origine de discussions riches sur les différentes éditions, sur les dates de sorties des traductions, sur ce qu’on devrait absolument traduire…
D’ailleurs nous organisons régulièrement des lectures bilingues autour de la traduction littéraire. Ce sont des moments privilégiés qui permettent d’explorer des textes en profondeur et qui révèlent la beauté du passage d’une langue à l’autre. À deux pas de la librairie se trouve l’Institut littéraire suisse, seule institution du pays à former des écrivain.e.s dans les deux langues. Sa présence et nos collaborations génèrent une véritable émulation créative, enrichissant la vie littéraire bilingue de la ville.
Cela dit, être une librairie qui fonctionne en deux langues est très exigeant et plus coûteux: il faut maîtriser deux cultures distinctes du livre, suivre deux fois plus l’actualité littéraire, et jongler avec deux systèmes du marché du livre. C’est un défi quotidien passionnant qui demande un investissement important.

 

Vous avez aussi cofondé edICIon. Doù est venue l'envie de cette manifestation?

La foire du livre edICIon synthétise le rôle de passerelle entre les cultures. Une place importante est accordée à la traduction. Née en 2013 d’une initiative des maisons d’édition biennoises désireuses de mettre en lumière la richesse éditoriale de leur région, elle réunit une cinquantaine de maisons d’édition de toute la Suisse. Ces dernières présentent leurs ouvrages dans un lieu architectural exceptionnel et emblématique de Bienne, la Maison Farel, peu avant les fêtes de fin d’année.
Cette foire est un véritable trésor pour qui aime les livres: une occasion unique de découvrir des productions de grande qualité, souvent hors des sentiers battus. La programmation, riche en événements, favorise les rencontres entre professionnel.le.s et passionné.e.s.
Enfin, edICIon porte une mission essentielle: réaffirmer la place centrale du livre, sous toutes ses formes, comme bien culturel majeur. Un message important adressé tant aux instances politiques qu’au grand public.

 

Et que nous réserve le programme dedICIon, les 14 et 15 décembre?

D’abord des rencontres autour des nouvelles traductions en allemand de livres d’auteur.e.s de Suisse romande, notamment Eugène, Raluca Antonescu et Laurence Boissier. Ces versions qui diffusent leurs œuvres dans l’espace germanophone ont vu le jour grâce à l’engagement des éditions biennoises die brotsuppe et de sa directrice Ursi Aeschbacher.
Lors de la soirée d’ouverture, le collectif Bern ist über all rendra hommage à l’auteure Laurence Boissier. Lorsque je l’ai accueillie il y a quelques années à la librairie, sa rencontre m’avait beaucoup marquée: elle distillait un humour imparable!
Parmi les manifestations qui sortent du cadre livresque, le musicien Philipp Läng nous présentera le PALINDRUM, un instrument de percussion innovant présenté à cette occasion avec son jeu de cartes pédagogique.
À la librairie, la foire fera la part belle à la littérature jeunesse avec deux événements. Le premier mettra en lumière Chiens Couture de l’illustratrice biennoise Irène Schoch, un album ludique où des pages scindées entre costumes et textes permettent de créer des milliers de chiens au style vestimentaire et au caractère uniques. Le second présentera une réinvention des classiques : douze Fables de La Fontaine illustrées par l’artiste lausannoise Alice Lobsiger et adaptées par Yves et Philippe Seydoux. Ces récits intemporels – du Corbeau et le Renard à La Cigale et la Fourmi – sont proposés pour la première fois en version bilingue français-suisse allemand.