Trois questions à Olivier Babel

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Portrait d'Olivier Babel
© Ch. Schlaap

Secrétaire général de LivreSuisse, Olivier Babel prendra sa retraite au 31 décembre. En sept ans, il a donné un nouveau souffle à notre association faîtière et en a largement façonné lactivité. Auparavant, de 1995 à 2017, Olivier a dirigé les Presses polytechniques universitaires romandes. À loccasion de son départ, nous lui avons demandé de se plier à lexercice des trois questions, quil a lui-même soumis à tant de personnalités du monde du livre.

En tant que professionnel du livre depuis quarante ans, comment percevez-vous son évolution en Suisse romande?

Le livre est mouvant, son paysage est en constante recomposition, et contre vents et marées il demeure! La Suisse romande a toujours été une «terre du livre» et ces dernières années ne dérogent pas à la règle. En quelques décennies, de grandes enseignes ont disparu – avec l’arrivée de la FNAC, la guerre des prix avec Payot, l’avènement du numérique, l’irruption massive de la vente en ligne, l’absence de préparation de la relève… De nouvelles ont vu le jour, tant dans l'édition que la libraire avec de fortes convictions, un engagement permanent, et cette envie viscérale de cultiver sa passion pour le livre et autour de la lecture.

Ce qui me semble le plus marquant, c’est d’abord l'éclosion d’une nouvelle scène littéraire, talentueuse et innovante, prolifique et ouverte. Qui a réussi en peu de temps à gommer la figure posée et forcément surannée de l’écrivain du siècle dernier. Ce sont aussi ces nouvelles formes performatives – théâtrales, musicales… – dont s’accompagnent les nouveaux auteurs et qui décloisonnent la littérature pour l’ouvrir à de plus larges publics. C’est enfin la prolifération, parfois contre-productive, des manifestations littéraires qui participent de ce mouvement et qui réussissent presque toutes à trouver leur public: au centre de celles-ci trône désormais une littérature vivante et décomplexée. Dans un marché du livre qui reste tendu, souvent difficile et largement dominé par la surabondance de la production éditoriale française, on ne peut que s’en réjouir tout en gardant bien à l’esprit que tout doit être fait pour amener les lecteurs à pousser la porte de nos librairies.


Au sein de LivreSuisse, les intérêts des membres diffuseurs, éditeurs et libraires peuvent être disparates. Vous a-t-il fallu une âme de diplomate?

C’est une qualité dont je m’enorgueillis volontiers, car de la diplomatie, de l’aptitude au consensus, du respect de la diversité des genres comme des personnes, il en faut pour accomplir sa tâche avec plaisir et enthousiasme. Ce n’est pas toujours évident tant notre interprofession se distingue par la présence de caractères bien trempés et un farouche esprit d’indépendance. Ce qui fait tout son sel et il serait vain de vouloir s’y opposer. Ma longue expérience aux Presses polytechniques et universitaires romandes, où j’ai publié plus de 1000 livres, m’y avait naturellement préparé, et à vrai dire je n’ai pas eu besoin de faire beaucoup d’efforts. Jacques Scherrer, à qui j’ai succédé au sein de l’ASDEL, disait de moi que j’étais raisonnable et donc nécessaire. Il connaissait bien le milieu, lui qui a refondé notre association et qui a tenu à réunir toute la chaîne du livre au sein de celle-ci.

Or les relations entre les différents acteurs de la chaîne ne vont pas toujours de soi, loin s’en faut, quand bien même leurs intérêts convergent. Cela tient à plusieurs facteurs tant conjoncturels qu’historiques, il y a de la concurrence, parfois de la rivalité, et surtout des modèles d’affaires très contrastés. Et toutes et tous œuvrent à leur échelle au maintien d’un réseau de librairies dense, seul garant de la diversité littéraire et de la création éditoriale romandes.


Si vous deviez ne garder quun seul souvenir de votre action à LivreSuisse, quel serait-il? 

C’est incontestablement le lancement de la publication de notre magazine LIVRESUISSE, qui fait office de catalyseur de ce qui m’a animé tout au long de ces années, à savoir le renforcement de l’interprofession et la volonté d’influer même modestement sur la part de livres suisses vendus dans nos librairies. Cette publication est forcément le fruit d’une réflexion largement partagée et de la volonté collective propre à une association comme la nôtre. À son origine un double constat: la raréfaction de la presse et la disparition progressive des pages dédiées à la littérature, et le souhait de disposer d’un support promotionnel pour accompagner et prolonger nos présences lors de foires et salons du livre. Sa concrétisation a été rendue possible par le soutien important apporté par le Canton de Vaud dans le cadre des projets de transformation. Sa maquette est vive et attrayante, son contenu dose subtilement le rédactionnel et la présentation des nouveautés de nos éditeurs, et il est distribué en quelque 4500 exemplaires dans plus de 60 librairies. J’en suis extrêmement heureux et je lui souhaite longue vie !

Mais j’aurais pu aussi évoquer le changement de nom de l’Asdel en LivreSuisse, un acte simple et décisif qui, comme le prédisait son initiateur Hadi Barkat, a permis de décloisonner notre association, rendant plus visible son action et plus attractive son adhésion. Ce nouveau nom s’est très vite installé dans le paysage et nous a permis d’amplifier notre communication. C'est donc tout naturellement que nous l'avons donné à notre magazine, tout comme à notre nouvelle plate-forme.