Trois questions à Ruth Gantert

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Portrait de Ruth Gantert
© Sébastien Agnetti

Pouvez-vous nous rappeler la genèse et les objectifs de Viceversa Littérature?

Viceversa Littérature est un projet du Service de Presse Suisse (SPS), association fondée pendant la Seconde Guerre mondiale dans le souci de préserver la cohésion nationale. Le but du SPS est de promouvoir la littérature suisse et de favoriser les échanges culturels par-delà les frontières linguistiques. Le SPS a édité, de 1999 à 2006, la revue papier Feuxcroisés et, de 1997 à 2012, le site culturactif.ch. De ses deux projets sont issues la revue quadrilingue Viceversa et la plate-forme littéraire viceversalitterature.ch. Viceversa paraît chaque année en français aux Éditions Zoé, en allemand chez Rotpunktverlag et en italien chez Edizioni Casagrande, avec des textes en romanche dans chaque volume. La revue présente des dossiers sur des auteur.e.s suisses des quatre régions linguistiques, des textes inédits, des cartes blanches en traduction et un retour sur l’année littéraire avec une chronique et de brèves critiques littéraires. Le site viceversalitterature.ch tient à jour une banque de données sur les auteur.e.s suisses, avec des biographies et des bibliographies. De plus, il publie chaque semaine des critiques littéraires de nouvelles parutions suisses.
 

L’Office fédéral de la culture a récemment décidé de retirer son soutien structurel au projet, ce qui met en péril la poursuite de la publication de la revue papier et du site: que s’est-il passé?

Nous étions en effet soutenu.e.s sur la base de la loi sur les langues. L’Office fédéral de la culture nous a informé.e.s que l’ordonnance d’application de la loi sur les langues avait changé, et que la littérature n’était plus considérée comme facteur de compréhension entre les communautés linguistiques, car son impact n’était pas assez grand. Cette décision nous a choqué.e.s. Malgré des séances régulières de contrôle de nos objectifs et de nos activités, nous n’étions pas au courant de ce changement de loi qui nous laisse perplexes. Comment imaginer que la littérature, basée sur la langue, ne soit pas un important véhicule de compréhension entre les communautés linguistiques? Nous croyions que l’Office fédéral de la culture tenait à la diversité littéraire et aux échanges culturels entre les régions linguistiques – comment est-il possible qu’il retire son soutien à une organisation qui poursuit, avec peu de moyens financiers et beaucoup de compétences réunies, ces mêmes buts?
 

Afin de garantir la poursuite et donc la pérennisation de Viceversa Littérature, quelles sont les pistes possibles?

Nous organisons actuellement des tables rondes pour discuter du futur de Viceversa, et notamment de ses deux projets majeurs de la revue papier et de la plate-forme virtuelle. À notre avis, les deux se complètent bien et font du SPS un centre de compétence pour la littérature suisse auquel de nombreuses institutions font appel. Le livre, un bel objet de création littéraire et artistique paraissant à Zurich, Genève et Bellinzone, nous permet d’être invité.e.s aux grands festivals suisses et d’être présent.e.s sur la scène littéraire avec des lectures et des projets de médiation littéraire. Le site est une mine d’informations, une véritable «histoire de la littérature contemporaine en Suisse» qui compte une moyenne de 11'000 usagères et usagers par mois. Récemment, nous y avons ajouté des podcasts consacrés à la traduction d’œuvres littéraires suisses, «Parole de traducteur, parole de traductrice». Quant à la revue papier, dès notre prochain numéro, la partie «année littéraire» basculera du livre sur le site. Nous aurions bien d’autres idées de la manière dont on pourrait transformer, améliorer, étayer et compléter nos deux projets – mais ce ne sera pas possible sans le soutien nécessaire à notre travail et à celui de notre grand réseau national de collaborateurices (auteur.e.s, traducteurices, critiques littéraires, artistes).