Librairie l’étage

Féminité, maternité, filiation et végétation: voici quelques adjectifs définissant bien ce très beau texte. L’écriture délicate, addictive et subtile de Raluca Antonescu nous entraîne à la rencontre de quatre femmes vivant dans des lieux et des époques différentes (entre 1911 et 2009). Les récits se tissent et se mêlent, tels des «inflorescences». Au lecteur/à la lectrice, petit à petit, de reconstituer le puzzle de ses quatre vies où la nature et particulièrement les végétaux tiennent une place centrale dans la vie de chacune.

Récit d’une expérience professionnelle dans un «petit» abattoir de campagne. Un témoignage d’une grande finesse qui ne donne aucune leçon de morale mais qui a pour fonction d’en décrire les routines quotidiennes, la vie des gens qui y travaillent, leurs ressentis. Un quotidien éprouvant au coeur de cet environnement peu banal. Sensible, intelligent et très important!

Escarpées nous emmène dans les années 1990 tout en haut d’une vallée valaisanne où la nature impose son rythme. Et, le temps de quatre saisons, nous nous glissons dans l’intimité d’une famille paysanne. Une famille composée d’Henri et Annette et de leurs trois filles Léonie, Marion et Lucie.

Ici, on comprendra la difficulté des femmes à vivre dans la rudesse de ces paysages, la charge de leur foyer qu’elles portent souvent seules au détriment de leurs rêves d’adolescentes.

Et malgré tout, et parce que l’autrice a beaucoup d’affection pour ses personnages, on pardonnera à Henri – ainsi qu’à tous les hommes du village – d’être de pareils rustres. Puisqu’ici l’art de la communication ne s’enseigne pas à l’école et les non-dits font beaucoup trop de bruits. Ainsi, le couple formé par Henri et Annette s’aime et se déchire parfois sous les yeux de leurs enfants.

Mais pour faire face au drame que la vie leur imposera et qui les confrontera aux autres, les cœurs seront bien forcés de s’ouvrir et les mots de trouver leur chemin. Et on l’espère avec eux, retrouver l’espoir.

Vous l’aurez compris, Escarpées est un roman familial autant qu’un récit témoignant de la vie quotidienne dans un village de montagne. Et parce que ce roman raconte des gens vrais, sans tomber dans une caricature simple et réductrice des «montagnards bourrus» il m’a particulièrement touchée et émue.

Le livre est également ponctué de magnifiques illustrations de Pierre-Yves Gabioud, ce qui en fait, en plus, un très bel objet.

Céline