Trois questions à Sandra Künzi

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Portrait Sandra Künzi

Depuis le début de la pandémie en mars 2020, le groupe de travail de la Taskforce Culture, avec 16 représentants de différentes associations culturelles, se réunit une fois par semaine pour discuter des différentes mesures décidées par le conseil fédéral et plaider en faveur des divers acteurs et institutions culturelles durement touchés par la crise. En cette fin d’année, nous avons souhaité poser trois questions à l’une de ses principales animatrices, Sandra Künzi, présidente de l’Association «t.» des professionnels du spectacle suisse.

En juillet 2020, l’alliance mise en place par la Taskforce Culture a permis de réunir près de 90 associations et institutions signataires d’un même document commun en réaction à la loi Covid-19. Du jamais vu dans le secteur culturel suisse. Dans quelle mesure, cette voix unifiée peut-elle se faire entendre auprès des pouvoirs politiques? 

Oui, c’était étonnant et gratifiant de voir un si grand nombre d’associations culturelles suisses cosigner notre déclaration en juillet. Nous avons tous réalisé ensemble combien il est important de s’unir aujourd’hui. Et je suis d’avis que cela valait et vaut encore la peine: nous avons l’impression que l’administration fédérale, les politiciens et les médias sont satisfaits d’avoir des interlocuteurs clairement identifiés.
Concrètement, les associations actives au sein de la Taskforce ont été invitées à un échange avec le conseiller fédéral Alain Berset en novembre dernier (voir le communiqué de presse concernant cet entretien). Une prochaine réunion avec M. Berset est déjà agendée au 25 janvier. La Taskforce a fait du lobbying 24 heures sur 24 pendant la session d’hiver et vient de participer à la courte consultation sur les ajustements de l’ordonnance culturelle Covid-19. C’est là qu’apparaît le dynamisme de la Taskforce: nous avions exactement trois jours pour cette consultation. En outre, la Taskforce culture a aussi été invitée à une audition par la Commission Science, Education et Culture du Conseil des Etats il y a de cela quelques semaines. Les médias font également de plus en plus souvent référence à nous (par exemple dans la tribune de Genève du 16 décembre 2020).
 
 

Alors que de nombreux domaines sont fédérés tels que la restauration (Gastrosuisse), l’économie (economiesuisse), le tourisme (Suissetourisme), etc., le secteur de la culture n’a toujours pas d’association faîtière de ce type au niveau national. Est-ce que cette absence est due à la difficulté de faire coïncider les intérêts d’univers culturels spécifiques? Comment l’expliquez-vous? 

Je suis présidente de l’association t. des professionnels du spectacle suisse depuis un peu moins de deux ans et je m’occupe de politique culturelle depuis mars dernier, essentiellement en raison de la crise. C’est pourquoi il est difficile pour moi de juger pourquoi le secteur culturel n’a pas été capable de mettre en place jusqu’ici une organisation faîtière puissante. Mais c’est évidemment un grand défi que de concilier les différents intérêts, dont certains sont contraires les uns aux autres. De mon point de vue, il y a deux éléments importants pour que cela fonctionne:
•    Des intérêts communs à tous les secteurs mais aussi à tous les rôles (organisateurs / travailleurs culturels): par exemple, combler les lacunes de la loi sur l’assurance sociale pour le secteur culturel, augmenter le budget pour le financement de la culture, etc.
•    La capacité de mettre de côté les intérêts particuliers en faveur d’un objectif commun et de soutenir les décisions même si l’on n’est pas d’accord dans le détail. Bien entendu, on ne le fera que pour atteindre les objectifs essentiels que l’on se fixe, par exemple l’assurance chômage pour les indépendants, et du moment que l’on se sent représenté par l’organisation faîtière.
 
 

Dans la perspective d’un lobby culturel instauré par cette alliance réunissant de nombreux domaines et faisant entendre une voix unifiée, quelles sont les attentes conjointes les plus importantes des différents domaines représentés?

De mon point de vue, il s’agit de
•    Combler les lacunes de l’assurance sociale pour les différents acteurs du secteur culturel
•    Approfondir les contacts existants avec le Conseil fédéral, l’administration fédérale et le Parlement (en particulier les contacts citoyens)
•    Améliorer l’image de la culture et renforcer sa position politique, mais aussi vis-à-vis de la population.
Je ne sais pas si mes collègues de la Taskforce culture voient les choses de ce point de vue. Je leur demanderai…
La Taskforce est née d’une nécessité et nous l’avons amenée là où elle est aujourd’hui avec beaucoup d’enthousiasme et de multiples actions rapides et efficaces. Nous voulons maintenant étendre son action et installer cette alliance au-delà de la pandémie. Nous la transformerons en Alliance Culture, la voix unie de la culture suisse. Les associations de chaque secteur doivent pouvoir y contribuer, mais en même temps, cela ne doit pas devenir trop formel, car une organisation qui veut être entendue et exercer une influence sur la politique nationale doit être agile, énergique, réactive.
Selon l’expérience de la Taskforce Culture, la plupart des associations culturelles sont satisfaites de son engagement, même si elles n’y participent pas directement. Cela tient également au fait que tous les membres de notre groupe de travail sont en mesure de prendre au sérieux les préoccupations des autres associations. Un niveau élevé d’expertise et de capacité de dialogue social est très important pour une telle organisation.