Une scène du livre mouvante

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Portrait d'Olivier Babel
© Ch. Schlaap

Le paysage éditorial romand se recompose régulièrement. De la soixantaine de maisons membres de notre association il y a 20 ans, la moitié n’existe plus. De grandes enseignes qui ont marqué le XXe siècle ont disparu, d’autres subsistent: Labor et Fides, l’éditeur de théologie protestante de référence, fête cette année ses 100 ans tout comme la Librairie Droz. Un centenaire qu’ont fêté Plaisir de lire l’an dernier et Slatkine en 2018. D’autres enseignes historiques demeurent telles Georg Editeur, mais certaines ont aussi définitivement quitté la Suisse, rachetées par des groupes étrangers. Parfois des catalogues servent de socle à l’essor de nouvelles maisons d’édition. Dans les années 1960, Vladimir Dimitrijevic, alors jeune libraire chez Payot, avait fondé les Editions de l’Age d’Homme en reprenant La Cité à Nils Andersson, expulsé de Suisse. 

Souvent les grandes enseignes sont incarnées par la personnalité de leur fondateur, il en va de la librairie comme de l’édition. Et lorsqu’une figure disparaît abruptement, que devient son enseigne? Peut-elle survivre à son départ? La relève a-t-elle été préparée? Chaque cas est particulier et pose l’une ou l’autre de ces questions. 

Ce fut aussi le cas des Editions de l’Aire, qui ont bâti leur catalogue sur l’héritage des Editions Rencontre. Peu avant les fêtes, Michel Moret, qui les avait fondées il y a 45 ans, nous a quittés, laissant un catalogue de quelques 1’700 titres. Dans ce numéro, nous lui rendons hommage. Nous espérons pouvoir annoncer le nom de la personne qui reprendra L’Aire dans le prochain numéro, tant notre interprofession doit pouvoir assurer sa relève. Heureusement, lorsqu’on lit l’enquête de ce numéro, on s’aperçoit que les jeunes sont bien là: dans tous les maillons de la chaîne du livre, on les retrouve qui ouvrent des librairies, qui fondent des maisons d’édition, qui bloguent ou se forment à la critique littéraire. D’autres trépignent en attendant de trouver leur place ou de saisir la bonne opportunité. Si la profession de libraire est certifiée avec un cursus débouchant sur un CFC, aucune filière dédiée ne prépare au métier d’éditeur, il s’apprend sur le tas, essentiellement par la pratique. Afin de renforcer cette relève, LivreSuisse mettra en place dès cette année des cours de formation continue pour nos libraires et des rencontres professionnelles thématiques pour nos éditeurs. L’avenir est dans la professionnalisation de nos métiers, pour que vive le livre et pour un soutien durable à la création littéraire.

Source:
Olivier Babel, Magazine LivreSuisse n°7