Déroutant et dérangeant, le dernier ouvrage d’Helge Reumann ne déroge pas à son œuvre. Mue par des lignes de force, de froissements et de frottements, et par le ruissellement d’une matière boueuse, chacune des illustrations semble s’animer par elle-même. Chacune constitue un univers plastique et des constructions de modélistes à ce «catalogue dessiné de nos monstres». En le feuilletant, chaque page résonne effectivement d’une «violence graphique de nos idolâtries», telle que le décrit l’éditeur en quatrième de couverture. Cette expression résonne différemment une fois plongé dans ces images récurrentes d’humanoïdes suintants, d’occultes bourreaux, de seigneurs drapés de capuches, de quidams indifférenciés, de soldats lancés vers la mort. Toutes ces images convoquent nos pires imaginaires de cultes meurtriers, de dérives politiques et religieuses, de fantasmes de destruction et de fanatisme pour un ordre qui ne s’éroderait plus.
Ce livret que l’on tient prestement entre les mains n’impose pas de narration. Il fait venir la narration à lui, et face aux images de villes en feu, de crucifix, de matériel de guerre, de sigles ésotériques et d’écritures en simili-cyrillique, il est difficile d’oublier que ce catalogue de l’horreur est déjà à nos portes.
