Trois questions à Tanja Messerli

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Portrait Tanja Messerli
© Ayse Yavas

Tanja Messerli est la directrice générale du SBVV (Schweizer Buchhandels- und Verlags-Verband), qui fédère les librairies et les éditeurs alémaniques. À lheure où le parlement entame lexamen du prochain Message Culture, nous lui avons posé nos trois questions.

Vous avez récemment été auditée par la CSEC du Conseil des Etats à propos du Message culture, et en particulier en lien avec l’augmentation de l’Aide structurelle aux éditeurs que toute l’interprofession du livre soutient. Quel climat y avez-vous rencontré, et quelles sont les nouvelles?

Notre délégation y a rencontré un climat bienveillant. Nous avions envoyé personnellement notre document de prise de position à tous les participants, il n’y a donc pas eu de questions. Nous avons constaté que la plupart des parlementaires l’avaient lu, tous partis confondus. Nous regrettons de ne pas avoir pu engager la conversation, Stéphane Fretz, Urs Hofmann et moi-même étions préparés à répondre à diverses questions. Nous aurions aimé parler de l’édition en tant que métier et illustrer nos propos à l’aide d’exemples. Personnellement j’aurais aussi aimé mentionner un aspect qui est rarement évoqué: un pays doit avoir la capacité de produire et de diffuser des contenus éditoriaux qui ne sont pas que numériques! Personne ne peut le faire aussi rapidement et efficacement que la branche du livre. Nous travaillons si bien et depuis si longtemps et entretenons tant de contacts tous ensemble. Il serait inimaginable que la France ou alors l’Autriche, un pays de taille comparable avec la Suisse, prennent le risque de ne plus avoir de maisons d’éditions professionnelles. Notre demande d’augmenter le soutien à l’édition de 2,8 millions par an doit maintenant passer par la CSEC-N du Conseil national. Les décisions seront prises au plus tôt à l’automne au Parlement.
 

Votre association a mené en fin d’année dernière une vaste enquête sur la librairie indépendante, enquête incluant aussi les librairies romandes: quelles sont les grands enseignements de cette enquête?

Les liquidités des librairies indépendantes sont un problème préoccupant, c’est la mauvaise nouvelle. Il y a trop de propriétaires qui n’arrivent pas à se verser de salaire en fin de mois, ou alors un salaire trop bas. La bonne nouvelle, c’est que le travail plaît aux libraires et qu'il y a encore du potentiel pour former davantage de jeunes. Le personnel est très stable dans les librairies indépendantes, les collaborateurs apprécient leurs équipes. Même si la situation financière les préoccupe, ils sont confiants en l’avenir des librairies. Au niveau du numérique, il semble qu’il y ait une différence entre la Suisse romande et la Suisse alémanique: les librairies de Suisse alémanique sont plus largement équipées de systèmes de gestion informatiques. Chez nous, au sein du SBVV, il s’agit maintenant d’élaborer des mesures concrètes en lien avec les résultats de cette enquête: c’est à l’ordre du jour de notre assemblée générale du 27 mai. Je ne veux pas anticiper, mais j’imagine volontiers que les conclusions conduiront à des réunions de groupes de travail et à de nouvelles offres en termes de formation continue.
 

Vous étiez en mars à Leipzig, vous revenez de Bologne, où se tenait la grande foire du livre jeunesse, comment se porte la littérature et la scène de l’illustration suisses, et quelle est leur réception à l’étranger?

Lors de telles participations, notre objectif est de faire connaître aux gens du monde entier les illustrateurs et illustratrices de notre pays. Leur travail est si facile à lire! C’est parce que nous parlons souvent avec les mains et les pieds, même en Suisse, et que nous recourrons à l’illustration pour nous comprendre les uns les autres, que ce média universel est si florissant dans notre pays. Ce n’est pas nouveau. Dans de nombreux pays d’Asie, nos artistes ont une grande influence. Par exemple Felix Hofmann avec ses images de contes de fées (et ses gravures sur bois) ou encore Marcus Pfister avec son poisson arc-en-ciel, qui est devenu culte. Souvent, personne ne sait que ces deux-là sont suisses. L’autre jour, une libraire me racontait qu’elle avait reçu en cadeau un album jeunesse typiquement sud-coréen à la naissance de son enfant. Et bien, c’était le poisson arc-en-ciel. Il nous faut agir! Albertine, Martin Panchaud, Fanny Dreyer, Walid Serageldine et tant d’autres sont très bien vus et s’exportent de plus en plus – ce sont des pros de la communication avec très peu ou sans aucun texte. Il est de notre devoir de diffuser largement les idées universelles qui naissent dans cette Suisse aux multiples facettes. Cette médiation apporte de grandes satisfactions, il y a tellement d’amour, de vie et d’enthousiasme dans ces images!