Dans EllƎ(s), Chirine Sheybani dépeint le combat poignant de deux femmes, Jeanne et Oriane. Générations différentes, conflit similaire: comment se dissocier de la figure maternelle?
Elles sont deux femmes. L’une est saisie de crises d’angoisse, l’autre de crises alimentaires. Elles sont toutes deux aux prises avec la violence. Elle est incomprise de son mari, elle l’est de ses parents. Elles sont « faites d’un bois un peu tortueux et biscornu » qu’elles tenteront, seules, de sauvegarder.
Dans EllƎ(s), Chirine Sheybani dépeint le combat poignant de deux femmes, Jeanne et Oriane. Générations différentes, conflit similaire : comment se dissocier de la figure maternelle ? Alors que la mère de Jeanne répète que son enfant est son unique chance de survie, la mère d’Oriane souligne constamment à quel point sa fille et elle se ressemblent. Pourtant, aucune de ces deux mères ne parvient à offrir à son enfant l’amour et la douceur recherchés.
Les phrases abruptes, l’absence de verbes, les mots solitaires offrent au roman son rythme saccadé qui transpire l’angoisse des protagonistes. Le manque d’indication dialogique chamboule : où se situe la frontière entre le dit et le pensé ? L’écriture heurtée de Sheybani se met au service des thèmes qu’elle aborde : l’anorexie, l’alcoolisme, l’amour qui pousse dans ses retranchements. Les mères d’Oriane et de Jeanne ne sont pas radicalement mauvaises : elles aussi ont leur histoire, leur souffrance, leurs démons. EllƎ(s) est un roman qui agit, envoûte et interpelle : guérit-on jamais de l’enfance ?
Laurane Crettenand
